Patrimoine

PATRIMOINE AGRICOLE: LES TERRASSES

« Montarem plu naut tan que poirem »

« Nous monterons plus haut tant que nous pourrons… » Rien de plus beau que cette maxime pour illustrer le labeur obstiné de nos paysans ardéchois qui remontaient la terre jusqu’au ciel, sur les bassins versants des rivières Glueyre et Véruègne, sur des pentes plus ou moins abruptes, afin de donner naissance aux terrasses, que l’on nomme aussi chambas ou échamps.

Les versants de l’adret et de l’ubac n’ont pu être cultivés que par la création de ces terrasses agricoles ; elles résultent d’une technique agraire qui consiste à édifier des murettes en pierres sèches (sans utilisation de mortier) ou des talus enherbés pour retenir la terre sur des pentes trop fortes, afin d’éviter le ruissellement et rendre possible les cultures dans des espaces gagnés à la nature.

« On levait les murs » disaient les anciens : pour aménager un hectare de terrasses, il fallait construire jusqu’à 2,5 kilomètres de murettes, par épierrement du versant colonisé ; le sol était retourné manuellement, les pierres sorties de la terre étaient absorbées pour la construction … et les outils sont nés sur les pentes : le béchar, le coulassou , la besse…

Ainsi les terrasses, larges ou étroites selon la pente, rectilignes ou arrondies, ont été édifiées par ceux qui les travaillaient. Ce paysage de paysans modestes, à travers les 80 hameaux et lieux-dits du village de Saint Pierreville, ont permis de faire survivre, depuis le XVIIIème siècle, des populations dans un milieu contraignant, favorisant l’économie rurale.

Toutes les fermes avaient réussi à rationnaliser un espace ingrat autour de leur habitat, imprégnant les mœurs et coutumes des agriculteurs ; souvent, des noms étaient donnés à ces terrasses édifiées pour satisfaire les besoins agricoles dans une polyculture pratiquée : pomme de terre, choux, blé, seigle, maïs. Au hameau de Leyral, les petits champs cultivés se nommaient « les chambailloux », « les abranchoux », les choux (pour les cochons) poussaient aux « chanabiers » nommés ainsi parce qu’autrefois on y cultivait du chanvre, on allait travailler « aux auches, au clozel » ou au « perdrijean », lieu privilégié des perdrix ; on accédait d’un champ à l’autre par les « esholiers » (parfois rudimentaires) ou les chemins pavés.

Le seigle a longtemps, jusqu’au XIXème siècle, justifié l’importance des surfaces aménagées pour sa culture, compte tenu de la pauvreté des sols et des faibles rendements : que d’efforts colossaux pour avoir son pain ! Les châtaigniers l’ont en grande partie remplacé par la suite, justifiant ainsi son appellation d’« arbre à pain ».

A partir du début du XXème siècle, les hommes ont abandonné progressivement les terrasses de culture pour se tourner vers l’élevage, de plus en plus présent: ainsi, quelques agriculteurs, castanéiculteurs, éleveurs maintiennent les anciennes terrasses reconverties en pâturages.

Ce véritable paysage culturel vivant fait partie de notre patrimoine Saint Pierrevillois; il mérite de le découvrir, de le comprendre et d’imaginer la vie harassante et laborieuse de nos ancêtres qui travaillaient « d’une étoile à l’autre », afin que le legs puisse servir à l’agriculture de demain.

 

PATRIMOINE INDUSTRIEL: LES MOULINAGES

Tout au long des cours d’eau, des bâtisses allongées attirent le regard ; ce sont des moulinages que l’on nomme aussi « fabriques ».

Un seul était implanté dans la rue principale du village.

De la fin de l’ancien régime à la fin du XIX ème siècle, leur installation a été galopante, avec l’implantation de 400 fabriques en Ardèche, la plaçant premier département industriel de France au XIX ème siècle ; En 1868, on recense 7 moulinages en activité à Saint Pierreville.

Souvent construits sur l’emplacement d’anciens moulins à grains, farine ou huile, un canal acheminait l’eau de la rivière qui servait à fournir la force motrice à ces nouvelles structures que l’on qualifiait de « moulins à soie », géographiquement bien situés, entre les régions productrices de soie (sériciculture) du Languedoc et du Vaucluse et la soierie lyonnaise.

Le ver à soie produit un fil continu mais ténu ; les quelques brins d’une poignée de cocons sont impropres au tissage : pour constituer un fil ouvrable, il faut les assembler et les retordre les uns sur les autres. D’autres opérations sont bien sûr nécessaires à la préparation du fil ( mouillage, décreusage, dévidage…). Le moulin, nécessaire à la torsion du fil, est un rouet modulaire automatique qui anime de nombreux fuseaux à la fois.

Ainsi, la configuration du moulinage résulte des contraintes liées à la soie et à son moulin : sa morphologie est en rapport avec la morphologie des machines qu’il abrite.

C’est pourquoi, juxtapositions des machines et rationalisation ont créé cette architecture de moulinage : une étendue à plat, dans l’horizontalité, avec une salle haute de 4 à 5 mètres qui occupe toute la place de la bâtisse.

Dans ce véritable vaisseau d’un seul volume, en bord de rivière, partiellement enterré et branché sur un système hydraulique, s’active une main d’œuvre abondante, essentiellement féminine.

Le magnifique livre « soie et moulinage dans les Boutières »  permet, comme il est précisé dans sa préface, de mieux appréhender ce qui se passait dans ces grands bâtiments ; il décrit, entre autres, les différents moulinages de Saint Pierreville.

L’architecture de ces moulinages, témoignage du temps passé, est encore bien visible sur les bords de la Glueyre au Moulin du Cros et à Chabriol, et de la Veyruègne à Champlot, La Neuve et Pont d’Aleyrac.

Tout près de Saint Pierreville, à Marcols les Eaux, le moulinage de La Neuve ouvre ses portes pour présenter le travail du fil de soie dans une salle d’ouvraison intacte, qui a conservé ses machines authentiques actionnées lors des visites.