Les principales lignes de l’histoire de Saint Pierreville
Plusieurs éléments témoignent de l’histoire déjà ancienne de Saint Pierreville : divers documents d’archives et des constructions en granit, dont les châteaux de La Tour, Pras et Sibleyras, puis aux XVIIIe et XIXe siècles, les fabriques, mais aussi le matériau du pays portant la main de l’homme : pierres d’angle, linteaux, voûtes…. L’église et les châteaux, en particulier celui de La Tour, attestent du rôle joué par le village sous l’Ancien Régime, petite capitale locale, religieuse, militaire et administrative.
Dans le document « Quelques notes sur l’origine des églises du Vivarais d’après les anciens cartulaires et autres documents », publié en 1891, Albin Mazon, alias docteur Francus, indique que Saint-Pierreville avait déjà quelques dizaines d’habitants au XIIe siècle et que les moines de La Chaise Dieu (Haute Loire) possédaient de nombreuses églises en Vivarais. Le cartulaire (recueil de titres relatifs aux droits temporels d’un monastère, d’une église) de Saint Julien d’Orcival, aujourd’hui Marcols-les-Eaux, contient les plus anciennes données connues à l’heure actuelle sur Saint-Pierreville. Ce cartulaire, découvert en 1873 et publié en 1875, se compose de 5 pièces de parchemin d’inégales grandeurs qui, cousues, forment un rouleau de 190 cm de longueur et 15 de largeur. Le format et plus encore l’écriture, qui est unique tout au long du document, permettent de le dater de la fin du XIIe siècle, début du XIIIe. Ce mémoire s’appuie sur des chartes antérieures. Au XIe siècle, l’usage des chrétiens veut que chaque fidèle rachète ses pêchés par l’aumône, participe à la construction de monastères et d’églises, et fasse profiter de ses biens moines et clercs, en les nourrissant et les habillant. Ainsi, Bermond, frère d’Audebert de la Roche, donne à Dieu, à la sainte charité, aux saints du monastère de la Chaise Dieu, à Robert, premier abbé de son église, ainsi qu’à ses successeurs et aux moines du même lieu, présents et futurs, un manse à alleu (terre exempte de redevances) dans la paroisse de Sancti Pétri de Villa (Saint Pierreville) avec l’assentiment de sa famille. Son fils, Jarenton, en fait de même pour un manse appelé Pravos, sans doute Pras, ainsi que quelques autres donateurs de Vabres, le Chambon, Talussac. Les plus anciennes demeures de la commune sont souvent des fermes éparpillées. Le cartulaire fournit la liste des redevances en nature versées à l’abbaye de la Chaise Dieu, ce qui donne une idée des activités des agriculteurs de Saint-Pierreville : élevage (agneaux, cochons, chapons), céréales, notamment le seigle, vigne.
Au XIe siècle ou au XIIe fut sans doute construite l’église originelle au nord-ouest de l’édifice actuel. Sa forme romane peut permettre de la rattacher à cette période. En 1930, sous le vieux plancher de la nef centrale, les maçons ont recueilli des ossements humains, certainement liés à la présence d’un cimetière à proximité immédiate de l’église primitive. Au XIVe siècle fut bâtie l’église actuelle de style gothique, accolée à la première. Une gravure sur la croisée d’ogive de la troisième travée de la nef principale fait apparaître la date de 1300 ou 1308.
Ensuite, pendant presque trois siècles, se succèdent disettes, famines, épidémies (peste en 1348), guerre de cent ans (1337-1453), guerres de religion, synonymes de forte mortalité, de pillages, de destructions. En 1583, lors d’une visite générale des églises, le grand vicaire de Viviers, Nicolas de Vesc ou Vesque, constate que l’église du village est ruinée, en partie démolie. En 1598, par l’édit de tolérance de Nantes, le culte réformé est autorisé à Saint-Pierreville où, dès 1570, par la paix de Saint Germain, il était permis. En 1685, par l’édit de Fontainebleau, est révoqué l’édit de Nantes. La route des dragonnades, qui passe par Saint Pierreville, rappelle les persécutions subies par les protestants. Au sommet du Serre de la Pale, proche de Saint-Genest-Lachamp, un monument fait référence au massacre, en 1689, par les dragons, de protestants réunis en assemblée prophétique. Le temple actuel n’est inauguré qu’en 1825.
Le cahier de doléances, rédigé en 1789 par la communauté de Saint Pierreville, bien que très général, fait apparaître des revendications politiques, financières et judiciaires, que l’on retrouve dans nombre de cahiers d’autres paroisses, mais glisse aussi quelques mots sur la misère d’une partie du Tiers-Etat. Le comportement de la population semble avoir été docile aux injonctions du pouvoir central, au point de ne pas marquer la mémoire. Avec la Révolution, Saint-Pierreville, dénommée La Montagne, a son pouvoir local entre les mains des grands propriétaires et des hommes de loi.
Le cadastre napoléonien de la première moitié du XIXe montre la dispersion de la population dans des «écarts» ou hameaux plus peuplés (d’où la création à Tauzuc, Pralong et Talussac, d’écoles aujourd’hui fermées) et parfois fort éloignés du centre ; la place du Claux était ainsi presque vide de constructions, à la différence des quartiers à proximité immédiate, du Bessas, du Couvent, de la Chareyre, mieux exposés. Située au croisement des voies de communications relativement récentes, la place du Clos est aujourd’hui le cœur du village.
Dans une économie d’autosubsistance dominante où le châtaignier, l’arbre à pain, joue un rôle majeur, la forte présence humaine au XIXe siècle (1872 : 2020 habitants, chiffre record) explique la mise en valeur de tout l’espace, même des pentes, en montant des murs de pierres sèches pour créer des faysses. Alors que les hommes mettent en valeur la terre, de nombreuses jeunes filles et des femmes travaillent dans les neuf moulinages de Saint-Pierreville, dont sept installés sur la Glueyre et son principal affluent, la Veyruègne, avec toutefois, chose rare, deux fabriques dans le village, loin des cours d’eau.
Dès le dernier quart du XIXe siècle, la population de Saint Pierreville baisse avec l’exode rural dû à l’attractivité des villes, à la recherche de meilleures conditions de vie et de travail. Avec le décès de 63 habitants du village, dont les noms sont gravés sur le monument aux morts, la Grande Guerre a accentué ce déclin démographique ? qui s’est poursuivi jusqu’en 1982 , où le village comptait 478 habitants.
Depuis cette date, la population a progressé, démontrant que Saint Pierreville est un village où il fait bon vivre et travailler, dans un environnement préservé, accueillant.